Lifofer
La Litière Forestière Fermentée, alias Lifofer ! Voilà déjà quelques années que je projette d'en confectionner une, sans jamais franchir le pas, par peur de l'inconnu ou juste pas peur de la rater... Depuis début 2019 plus exactement, lors de mon passage à la Ferme de Sainte Marthe en Sologne, où j'ai commencé à me former au maraîchage. Lors de cette promo de printemps, l'ami Matthew Krajewski avait choisi la Lifofer comme sujet d'étude pour sa présentation, et il en avait résalisée une pendant les deux mois de la formation. On avait pu repartir avec une bouteille chacun, et même en déguster un petit verre pour l'occasion !
Commençant à être de mieux en mieux installé côté jardin, je me suis enfin décidé à passer à l'action. Voici donc une brève présentation du sujet, ainsi qu'un petit reportage en image sur la confection. Je me suis appuyé sur l'ouvrage "Manuel de la Litière Forestière Fermentée" de Terre & Humanisme, qui est maître dans l'art de cette pratique, importée en 2013 de Cuba, et utilisée en Amérique Latine et Centrale. Je vous recommande ce livre si le sujet vous intéresse, c'est vraiment complet sur les origines, le fonctionnement théorique, la mise en œuvre et les applications !
Vous pouvez aussi écouter ce podcast de l'Ecole d'Agroécologie Voyageuse, avec Terre et Humanisme, sur la Lifofer, qui est vraiment inspirant :
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#87 Terre et Humanisme 🍂 La LiFoFer, un savoir paysan natif de la forêt | Agroécologie Voyageuse
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Qu'est-ce que la Lifofer ?
Pour en dire deux mots, la Lifofer est une fermentation lactique qui permet de multiplier de très nombreuses souches de micro-organismes (bactéries, champignons dont mycorhiziens, levures...) bénéfiques des sols de la forêt, préalablement récoltés sous forme de litière en cours de décomposition (idéalement pleine d'hyphe de champignons). L'idée majeure étant que ces microbes soient de souches indigènes, pour qu'ils soient les plus adaptés (et donc les plus efficaces) possible au contexte pédo-climatique du paysan qui les utilise.
Cette double-fermentation (d'abord solide, puis liquide) permet donc d'inoculer facilement et rapidement toutes ces bons petits organismes au jardin : cela peut être sur le sol, sur les paillages, sur les plants, sur les cultures, dans les réserves d'eau... La liste des bienfaits observés est très longue et surprenante !
Entre autres, la Lifofer permet :
- de renforcer la lutte microbiologique contre les pathogènes ;
- d'aider à la structuration du sol ;
- d'augmenter la capacité de rétention d'eau ;
- de mieux fixer les nutriments dans l'humus ;
- de dégrader plus facilement et plus sainement les matières organiques ;
- de soutenir la germination, la croissance, la floraison, la fructification ;
- de renforcer la conservation des légumes ;
- d'améliorer la photosynthèse ;
- d'assainir les eaux stagnantes ;
- d'agir comme probiotique pour les animaux...
L'équipe de Terre et Humanisme aurait même réussi à nettoyer un vieux carbu de moto à la Lifofer, c'est dire l'effet assainissant... !
En outre, la Lifofer contient aussi un certain nombre de molécules nutritives générées par la vie des micro-organismes qui la composent, et a donc en plus un effet de bionutrition - bien que l'effet principal reste l'effet biostimulant.
La préparation
Pour être menée à bien, la Lifofer doit être faite dans des conditions de chaleur assez exigeantes : il faut une température idéale de 28°C (entre 23°C et 40°C) assez stable pendant un gros mois, avec le moins de variations possibles. L'hiver n'est pas le plus recommandé pour ça, mais pour moi c'est un peu le seul moment ou je peux prendre le temps de bien le faire. Etant à fond dans les constitutions de couches chaudes, j'ai donc d'abord tenté la confection d'une étuve "couche chaude" pour garantir cette source de chaleur nécessaire à la bonne fermentation. Et le résultat est plutôt satisfaisant !
Autour d'un bidon de 60L, j'ai monté une petite couche chaude de 40cm de large jusqu'en haut du fut, enrubanné de papier bulle pour garder l'humidité. Le bidon a été rempli d'eau froide, et le tout recouvert d'encore un peu de fumier pour bien lancer la chauffe.
Puis j'ai suivi l'évolution : à J0, l'eau était à 5°C ; à J+1, elle a commencé à monter à 12°C ; à J+3, elle était déjà à 31°C ; et à J+9, elle a grimpé à 45°C ! Cela semblait être le pic, car à J+10, jour de la préparation officielle, l'eau était à 40°C, ce qui coïncidait plutôt bien.
L'étuve semblant fonctionnelle, la préparation a pu prendre place.
J'ai d'abord commencé par récupérer un gros sac de litière de forêt, en variant le plus possible les essences de feuilles, prenant du feuillu et du résineux, en essayant de trouver la couche (assez rare à cette période) en cours de décomposition. A ajouter à cela, j'ai prélevé sur le terrain d'autres matières riches en micro-organismes : du broyat et du fumier en cours de compostage pleins de champignons, un vieux reste de substrat à pleurotes des Serres de Ney, ainsi que de l'humus trouvé au cœur des troncs creux de nos gros saules têtards, espérant profiter un peu de leur sagesse et expérience microbiologique.
Le tout a ensuite été étalé sur ma table de semis, remué, trié, et mélangé.
Il faut ensuite fournir à toute cette vie de quoi se nourrir pendant l'aventure de la fermentation, dont une source d'amidon et de fibres, à savoir : une 20aine de kg de son de blé bio issu de la Ferme du Meix dans le Jura. On mélange donc tout ça, ça recommence à ressembler à un appareil à une préparation de gâteau... Constance m'a aidé à brasser tout ça, comme elle aime bien faire des gateaux !
Il faut aussi une source de sucres facilement fermentables : j'ai pris de la mélasse, achetée sur internet pour le coup... On en dilue 5kg dans de l'eau tiède - celle chauffée à 40°C dans mon bidon, tiens ! Et à cela on ajoute une source de Lactobacillus, pour garantir la bonne lancée de la fermentation. J'ai pris 5L de petit lait de la Ferme de Visargent, mélangé le tout à la mélasse, puis versé la soupe sur le mélange solide.
Là, l'odeur de la mélasse mélangée au son de blé et à l'odeur du sol forestier et des champignons prend une tournure délicieuse, qu'on ne peut malheureusement pas retranscrire sur le blog, mais qui donne envie de manger le mélange tel quel, comme de la pâte à pain ! Mais il faut s'abstenir, sinon on n'a plus de quoi faire la Lifofer.
Enfin, une fois le tout bien mélangé, et la bonne humidité trouvée, il faut remplir le fut en tassant au fur et à mesure. Jusqu'à pas tout-à-fait en haut, puis on referme hermétiquement. Et on laisse fermenter pendant une trentaine de jours... et c'est là que j'en suis ! On peut aussi installer un "barboteur", pour que les gaz issus de la fermentation puissent s'échapper sans que l'oxygène ne rentre.
La couche chaude autour du fût est à 26°C, les conditions de départ semblent plutôt bonnes, j'espère que ça va le faire !
On pourra trinquer dans un mois et demi autour d'un verre de Lifofer, pour avoir un microbiote de compétition !!
Affaire à suivre... 😉🍻